Datemai 2023

Auteur
Romain Bionda

Du G5 interespèce
au transpécisme
des BADWEEDS
Romain Bionda, chercheur spécialiste en études théâtrales et en écopoétique, a accompagné l’artiste Rocio Berenguer dans sa résidence de recherche à La Grange. Autour de la création de sa performance THEBADWEEDS, elle co-édité avec Romain plusieurs textes sur la communication interspèces dans un livre produit par La Grange

Le texte reproduit ici est la postface du projet, dans laquelle Romain Bionda évoque les imaginaires transespèces dans les arts vivants contemporains.







Les deux dernières réalisations de la metteuse en scène, autrice et chorégraphe Rocio Berenguer gagnent à être appréhendées ensemble. Plus précisément, THEBADWEEDS (2023) se donne comme une continuation, une extension ou un déplacement du « projet tripartite »1 intitulé G5, composé de l’installation Lithosys (2020), de la performance Coexistence (2019) et du spectacle également intitulé G5 (2020)2

En effet, les personnages de THEBADWEEDS en sont issus : leur existence était annoncée dans Coexistence et un·e·x Badweed3 interrompait la réunion politique de G5. En ce sens, ces trois spectacles entretiennent un rapport « transfictionnel »4, c’est-à-dire que les fictions auxquelles ils donnent corps sont peuplées des mêmes personnages : les mondes ainsi déployés partagent une partie de leurs coordonnées et de leur identité.

Après une rapide présentation de Lithosys, Coexistence et G5, ces pages reviendront sur quelques enjeux importants des écofictions contemporaines au théâtre, en indiquant brièvement à quels endroits et niveaux intervient notamment le travail de Rocio Berenguer avec THEBADWEEDS. 

LE PARLEMENT DES ESPÈCES ? LE PARLEMENT DES ESPÈCES ?  

Coexistence et G5 exploitent l’idée d’un parlement des espèces, ou plutôt des règnes : les humains, les animaux, les végétaux, les minéraux et les machines5 y sont « invités à négocier ensemble autour des possibilités de leur coexistence6 ». L’idée qu’une manière de politique étendue aux non-humains serait souhaitable, voire nécessaire, est souvent affirmée aujourd’hui – y compris en ce qui concerne « des espèces avec qui la cohabitation est compliquée », parce que des « alliances » avec celles-ci « valorisent des trajectoires de transformation, des usages des territoires vers des pratiques qui sont généreuses pour la relation entre activités humaines plus émancipatrices et écosystèmes en leur entier ». 

La « cohabitation diplomatique » chère à Baptiste Morizot insiste par exemple sur l’idée que « les autres cohabitants » de la planète – les « autres vivants » ou les « vivants non humains » – disposent d’une « altérité » qui « se redresse et devient un interlocuteur, qui a un intérêt propre. Tout ce qui a un intérêt, qui impacte d’autres intérêts jusqu’à nous dans l’affaire, entre dans la négociation. C’est comme ça que les cohabitants émergent.7  »

Rocio Berenguer ne revendique pas nécessairement pour elle l’idée d’une « diplomatie » entre les espèces – ses références théoriques sont plus explicitement nourries par Companion Species Manifesto. Dogs, People, and Significant Otherness (2003) et When Species meet (2008) de Donna Haraway8–, mais élabore avec Coexistence et G5 ce qu’elle appelle à plusieurs reprises une « fiction juridique » et politique : le sommet des règnes imaginé est censé aboutir à une déclaration commune. Le motif du « parlement » peut faire penser – entre autres9– à la troisième partie du « Conseil de tous les êtres » de l’Écologie profonde, qui consiste dans « une série de rituels re-Terrants [re-Earthing] » aboutissant à un moment où « nous prêtons nos voix aux animaux, aux plantes et aux éléments du paysage et [où] nous sommes choqués par la vision très différente du monde qui émerge de leur dialogue10». 

À l’instar d’autres oeuvres contemporaines intéressées par un décentrement de ce type, qu’elles traitent avec une grande diversité de tons11, les spectacles de Rocio Berenguer se distinguent néanmoins de l’Écologie profonde par le dispositif qu’ils mettent en scène (un sommet politique) et par leur relative absence de mysticisme. Même si la performeuse prête sa voix aux autres espèces et entités12, il est souvent rappelé que leurs points de vue sont difficilement accessibles et qu’elles n’ont d’ailleurs de loin pas toutes accès à la parole. Même si elle traite cette dernière question avec sérieux, Rocio Berenguer ne renonce pas à l’humour13. Élaboré avec le concours du chercheur en géosciences Henri-Claude Nataf, Lithosys se propose en effet de « cod[er] et enregistr[er] des messages sur la magnétite », de manière à « envoyer des informations sur le réseau magnétique terrestre14» qui servirait alors de « système et moyen de communication entre toutes les formes de vie sur Terre15».

Coexistence se fait l’écho de « négociations » entre les humains, les animaux, les végétaux, les minéraux et les machines sous la forme de déclarations faites par l’humaine en scène – « la machine craint le minéral, car il serait le seul capable de la dominer ou de la détruire » –, immédiatement contredites ou nuancées par une voix off : « ce n’est pas exactement ça16».

Le site du spectacle proposait quant à lui le vote d’un « référendum », auquel on pouvait participer en commençant par s’identifier comme « humain » (les personnes essayant d’usurper l’identité d’un minéral ou d’un végétal étaient averties que tout « vol d’identité » pouvait être puni de « cinq ans de prison » et d’« une amende maximale de 75 000 € »). Il s’agissait ensuite de choisir un « protocole politique » parmi l’« anarchie », la « démocratie », la « spiritualité », le « totalitarisme » et un modèle indéterminé désigné par le terme « autre », puis de répondre à quelques questions : « Qu’est-ce qu’un humain ? » ;  « Préféreriez-vous être : minéral ; végétal ; animal ; humain ; machine ; je ne sais pas » ; « Êtes-vous d’accord pour vous faire dévorer par : minéraux ; végétaux ; animaux ; humains ; machines ; la peur ; rien17» ; etc.

Dans G5, la performeuse mime une scène d’agression où un sanglier empaillé sur roulettes lui mord les cheveux pour réclamer selon elle un meilleur traitement et une réunification des règnes humain et animal en un règne « humanimal ». Bref, les spectacles thématisent, de manière ludique, la question de l’anthropocentrisme – « ça c’est trop anthropocentré », dit la machine à l’humain dans Coexistence –, ainsi que celle de l’anthropomorphisme (au sens de projection des états mentaux humains sur d’autres formes de vie). En raison de la difficulté du « dialogue », le parlement des espèces semble par trois fois mis en échec, au profit de la portée poétique du « projet tripartite ». Ce caractère poétique se mesure à la fois au niveau de l’écriture et de la fable développée dans ces spectacles, qui esquissent la voie d’une hybridation inter-espèces. Ce n’est pas la seule oeuvre théâtrale de ces dernières années qui propose une telle issue.

Le troisième tableau de la pièce Der letzte Mensch (Le Dernier Être humain, 2020) de Philipp Weiss présente par exemple une « créature hybride » – une femme octopus – venant parler aux êtres humains assemblés dans le « parlement mondial », afin de réaliser l’utopie d’une « agora des espèces18». 

Mais la « mauvaise herbe » de Rocio Berenguer interrompt les négociations parlementaires de G5, auxquelles elle n’avait pas été invitée : elle ouvre plus résolument, ou au moins radicalement, la voie d’un avenir vraiment distinct du nôtre, où les « solutions » trouvées ne ressembleraient en rien à celles qu’une partie des sociétés contemporaines espère voir résulter des COP successives sur les changements climatiques19. Par ailleurs, cette « mauvaise herbe » est le produit d’une hybridation non pas entre l’humain et l’animal non-humain, mais entre l’humain et le végétal. Ce point n’est pas de détail pour Rocio Berenguer, ainsi qu’elle l’explique précédemment dans son « Terreau des mauvaises herbes » (2023).

ÉMERGENCE D’UNE FIGURE TRANSESPÈCES 

« On a reçu un message d’un individu du règne végétal », dit la machine dans Coexistence. Le message diffusé s’avère inintelligible. Quelques minutes plus tard, un message végétal est cette fois traduit en langue française : « […] moi, voilà, […] personne m’a demandé d’exister ; j’ai pris l’initiative toute seule20» – discours qui se termine par l’annonce de l’existence des THEBADWEEDS, groupe de musique bientôt en tournée internationale. RESIST, leur premier single, est alors diffusé et dansé sur scène par l’un·e·x des membres du groupe : un être humanoïde faisant penser au Cousin Machin de la famille Addams, à cela près qu’il n’est pas poilu, mais plutôt « alguesque », si l’on ose ce néologisme appelé par la couleur vert-brun des amas irréguliers de matière qui modèlent sa silhouette. Le spectacle THEBADWEEDS consiste tout entier dans un concert des THEBADWEEDS et concrétise donc cette annonce. Les THEBADWEEDS de Coexistence ne sont pas explicitement des êtres transespèces. Ainsi que le montre aussi le « Lithosys Chatroom », disponible sur le site de la compagnie Pulso, les Badweeds sont encore des membres du règne végétal (désigné par un triangle dans le spectacle Coexistence – le carré ci-dessous vaut pour le minéral, la croix pour les humains21) : 

Le « Référendum humain » de Coexistence aboutissait néanmoins au constat, annoncé dans le spectacle, que « 28% de la population, déjà à l’époque [en 2019], voulait fusionner avec le végétal. » L’année 2019, date de création du spectacle, appartient en effet au passé fictionnel : « aujourd’hui » correspond à un futur où l’hybridation des humains avec d’autres espèces serait devenue courante. De nombreuses oeuvres occidentales de science-fiction au XXe siècle placent le cadre spatiotemporel de la fiction (le présent fictionnel) dans le futur (par rapport au présent réel)22. Or, comme dans de nombreuses oeuvres théâtrales actuelles « de science-fiction »23 où l’imaginaire science-fictionnel semble mobilisé comme à contre-emploi24, ce dispositif narratif traditionnel – où l’intervalle fictionnel séparant le présent réel du public et le futur fictionnel est raconté au passé, à la façon d’une histoire factuelle – sert ici moins à l’élaboration d’une fiction crédible et immersive qu’à instaurer un jeu avec le public : alors que les votes du premier référendum sont censés avoir été réalisés dans le passé fictionnel (en 2019), la présentatrice s’amuse du fait qu’un pourcentage de ce référendum « bouge, [car] quelqu’un vient de voter ! » L’infraction logique et l’effet de surprise provoqué permet en l’occurrence de thématiser l’agentivité du public, dont la capacité à infléchir le cours des événements futurs est soulignée – ici bien sûr à propos de la « coexistence » entre les espèces (et de l’extinction de masse que l’on constate depuis quelques décennies et qui va en s’accélérant, ainsi que le spectacle le rappelle dès les premières minutes). 

En effet, le public est invité durant la pièce à se connecter à Internet pour participer au vote sur un « Référendum du futur » (le futur du futur évoqué dans la pièce, cette fois, et non plus celui que la pièce montre – mais les temps sont précisément confondus à la faveur du brouillage évoqué) : « Vous avez une puissance incroyable dans vos doigts, là ; vous êtes en train de générer le futur. Je vais pas faire plus de commentaires », déclare la présentatrice du sondage, avant de laisser la place à la projection d’un film composé d’images de synthèse sélectionnées « à partir de[s] votes ». Si Coexistence thématise à la fin du spectacle l’agentivité du public mis face à un futur possible, G5 se termine sur une note plus révolutionnaire.

Comme dit précédemment, un·e·x Badweed vient interrompre la lecture de la « Déclaration » de G5 : dans la première version du spectacle (2020) en rampant sur le plateau ; dans sa seconde version (2021) en faisant irruption dans le public, où se tient le lecteur de la « Déclaration », avant d’enlever la présentatrice du sommet. La première version donne la parole à cette « Mauvaise herbe » – en français ou en anglais grâce à la traduction d’une interprète –, qui dénonce le fait que « votre histoire des cinq règnes cela n’existe pas » et que « les espèces pures cela n’existe pas25 ». Implicite dans G5, l’hybridité des Badweeds est ensuite affirmée dans le spectacle THEBADWEEDS – « nous sommes trans… espèces26 », chantent les membres du groupe dans le morceau « LOOKANDLIKEME » – et dans les textes ici rassemblés, en particulier dans la section « Mutants » du
« TERREAUDESMAUVAISESHERBES », où ces personnages sont motivés par le désir de « devenir un puits de carbone ». 

La « solution » à la crise climatique qui consiste à devenir soi-même un puits de carbone indique d’une part le désespoir actuel face à l’absence de solutions efficaces, signale d’autre part l’exemple inattendu des « mauvaises herbes » (qui ne sauraient d’ailleurs être considérées comme « mauvaises » à tous points de vue). Parce que certaines d’entre elles se sont avérées relativement résistantes aux herbicides, voire auraient développé cette résistance à leur contact, on peut faire de leur cas une métaphore : celle d’un espoir de « résistance », voire de transformation, qui en dépit de la crise climatique et de ses conséquences biologiques et sociales sur les êtres humains garantirait la possibilité d’un avenir. Les THEBADWEEDS scandent : « nous sommes des êtres en devenir pour des futurs en devenir 27 ». De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour réclamer la création de « nouveaux récits » capables d’accompagner le public sur la voie d’une lutte efficace contre la crise climatique et écologique, en appelant notamment à la création de nouvelles figures susceptibles de fédérer les divers individus dans un nouveau collectif 28

Les THEBADWEEDS de Rocio Berenguer en sont bien, des nouvelles figures, qui en leur qualité de popstars ambitionnent d’agréger une communauté de fans – communauté que le présent fanzine vise à nourrir, quoiqu’il n’accueille aucune indication biographique concernant les membres du groupe (de fait, les THEBADWEEDS refusent tout « self ») ni entretien (difficile à réaliser pour des raisons de compétences linguistiques). 
“THE FUTURE IS VEGETAL”, OU PAS 
Dans un article récent (2018), Matthew Schneider-Mayerson rend compte d’une étude empirique auprès d’une centaine de lecteurs et lectrices de romans abordant la question du changement climatique. Les résultats peuvent paraître décourageants aux personnes qui espèrent que les fictions puissent modifier les opinions et les comportements du public, car la compréhension et l’interprétation de ces fictions se révèlent en partie prédéterminées par les convictions de chacune et chacun. Par exemple, des personnes climatosceptiques ne prendraient pas nécessairement au sérieux les contenus en lien avec le réchauffement climatique (si elles s’y intéressent). Ensuite, les éventuels affects négatifs suscités par les fictions climatiques seraient en mesure d’hypothéquer l’engagement d’une partie du public dans la lutte contre le changement climatique. Enfin, les personnes déclarant avoir modifié certaines de leurs habitudes à la suite d’une prise de conscience (quant aux implications du dérèglement climatique) ne mettraient pas forcément en oeuvre les mesures les plus immédiatement efficaces, ou d’une façon pas assez conséquente : une personne explique avoir réduit ses trajets en voiture ou en avion et sa consommation de viande, mais ne pas prendre en compte l’écologie dans ses intentions de vote. La même étude de Matthew Schneider-Mayerson suggère néanmoins une vertu de ces fictions climatiques : celle de susciter un dialogue.« C’est une fonction négligée des oeuvres de fiction climatique – ainsi que d’autres formes de littérature, d’art et de culture populaire sur l’environnement […]. C’est particulièrement précieux étant donné la " spirale du silence " sur le changement climatique, même parmi les personnes concernées – une étude de 2016 a trouvé que 57% des Américaines et Américains qui sont " très " ou " modérément " intéressés par le réchauffement climatique n’en parlent que " rarement " ou " jamais " avec des amis ou leur famille. […] Compte tenu de la valeur de la communication interpersonnelle dans l’augmentation de l’importance perçue d’un sujet et dans la création de normes au sein d’un groupe, le potentiel des fictions climatiques (et des médias environnementaux en général) pour la facilitation de telles conversations mérite plus d’attention »29.Que le futur soit végétal, ainsi que l’affirment les THEBADWEEDS, ou pas, semble en effet avoir moins d’importance que le fait de discuter ensemble (et vraiment) de la question de notre avenir sur Terre, telle que notre planète est en train de devenir, à l’heure du « nouveau régime climatique30 » qu’on lui reconnaît désormais.
1. Texte de présentation du spectacle G5 sur le site de la compagnie Pulso : https://rocioberenguer.com/index.php?lang=fr&project=8.
2. Le projet a connu une première réalisation du 20 au 31 janvier 2018 au Festival Hors Pistes du Centre Pompidou à Paris.
3. Les points médians et le « x » traduisent graphiquement le fait que les Badweeds semblent avoir un genre indéterminé, ainsi que le signale leur voix : dans Coexistence, celle-ci est grave, « masculine » si l’on veut, mais apparaît assez clairement comme le résultat de la modification par ordinateur de la voix de Rocio Berenguer. Depuis lors, certaines voix sont devenues plus aiguës.
4. Voir Richard Saint-Gelais, Fictions transfuges. La transfictionnalité et ses enjeux, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 2011.
5. L’inclusion d’un « règne des machines » peut faire penser – mais c’est fortuit – à F.T. Marinetti, qui avait théorisé dans L’Homme multiplié et le Règne de la machine (1910) l’hybridation des deux « règnes » animal et machinique, à travers les figures de l’aviateur et du conducteur de train ou d’automobile (voir Le Futurisme. Textes et manifestes 1909-1944, éd. Giovanni Lista, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2015, p. 209-213).
6. Texte de présentation du spectacle Coexistence sur le site de la compagnie Pulso : https://rocioberenguer.com/index. php?project=7&lang=fr.
7. Baptiste Morizot, « Nouvelles alliances avec la terre. Une cohabitation diplomatique avec le vivant », Tracés. Revue de sciences humaines, n° 33, Revenir à la terre ?, dir. Pierre Charbonnier, Romain J. Garcier et Camille Rivière, 2017, p. 73-96, ici p. 91-92, 75, 78, 77 et 83 ; également en ligne. DOI : https://doi.org/10.4000/traces.7001.
8. Des traductions françaises sont disponibles : Donna Haraway, Manifeste des espèces compagnes. Chiens, humains et autres partenaires, trad. Jérôme Hansen, Paris, Climats, 2018, et Donna Haraway, Quand les espèces se rencontrent, trad. Fleur Courtois-l’Heureux, Paris, La Découverte, 2021.
9. Sur les diverses formes de « démocratie plus qu’humaine », voir Aliocha Imhoff et Kantuta Quirós, « Vers une Gaïacratie », Qui parle ? (Pour les non-humains), Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », 2022, p. 229-267.
10. « Council of All Beings » ; « a series of re-Earthing rituals » ; « In Council, we lend our voices to the animals and plants and features of the landscape and are shocked at the very different view of the world that emerges from their dialogue. » (John Seed, « Council of All Beings – process description », en ligne sur DeepEcology.org.au, s.d : https://www.deepecology. org.au/2022/02/16/council-of-all-beings/.)
11. Pensons par exemple à la « vidéoconférence inter-espèces » du cycle Animalogies (2018-2019) du Théâtre de la Démesure, intitulée « Le Loup, l’Agneau et le Trappeur », où un loup canadien (parlant avec une voix de synthèse) estime se trouver avec ses congénères dans une meilleure situation que les loups européens : « nous disposons de territoires beaucoup plus larges […] ; nous n’avons donc pas à subir l’humiliation de manger de la brebis comme nos cousins européens, sur lesquels nous faisons de nombreuses blagues et calembours. » Si le fait de prêter aux loups des aptitudes et des savoirs humains peut amuser, la naïveté qu’on leur reconnaît peut aussi fait rire : quand le berger défend l’abattage de tous les loups sauvages en déplorant les « normes européennes » et en citant en exemple la Suisse où l’« on peut abattre les bêtes avec un fusil à lunettes », le loup français répond : « Si vous permettez, je ne connais pas bien toutes les données du problème, mais il me semble qu’une solution pourrait être de faire entrer l’Europe dans la Confédération helvétique. » (Je cite un enregistrement que la compagnie a eu la gentillesse de me transmettre.)
12. Très concrètement, les Badweeds parlent avec la voix de Rocio Berenguer, modifiée par ordinateur.
13. Selon l’article 3 de la « Déclaration universelle des droits interespèces » de G5, « Toute vie a droit au respect, à la mort, à l’amour et à l’humour. » (Je cite une captation du spectacle dans sa deuxième version, aimablement mise à disposition par Rocio Berenguer.)
14. Rocio Berenguer, (G5) Fe2 O3_ LITHOSYS, dossier de présentation, en ligne, n.d., n.p. : https://rocioberenguer.com/docs/ Dossier_LITHOSYS.
15. Texte de présentation de Lithosys sur le site de la compagnie Pulso : https://rocioberenguer.com/index. php?lang=fr&project=10.
16. Captation de la représentation du 8 octobre 2019 au CDA d’Enghien-les-Bains à Paris : https://vimeo.com/371213334.
17. Formulaire du « Référendum Humain » de Coexistence, en ligne : http://g5interspecies.herokuapp.com/.
18. « […] hybride Kreatur » ; « Weltparlament » ; « Agora der Arten » (Philipp Weiss, Der letzte Mensch, Berlin, Suhrkamp, coll. « Theatertext », 2020, n.p.).
19. COP abrège Conference of the Parties (conférence des parties). Depuis 1995, c’est sous cette forme que sont organisées les négociations à l’ONU sur les changements climatiques.
20. Ce début est repris dans le présent volume, dans la première section du « TERREAUDESMAUVAISESHERBES »
21. Le cercle, absent de la capture d’écran, vaut quant à lui pour les machines.
22. Voir Richard Saint-Gelais, « Temporalités de la science-fiction », ReS Futurae, n° 2, La Science-fiction, rue d’Ulm, en ligne, 2013
23. Pour une réflexion sur la raison de ces guillemets, voir les articles réunis dans ReS Futurae, n° 18, Le Théâtre de science-fiction : premiers éléments de cartographie, dir. R. Bionda, en ligne, 2021 : https://doi.org/10.4000/resf.2244.
24. Lorsque tel élément identifié comme science-fictionnel, par exemple un voyage interstellaire, est dénoncé comme impossible à des fins politiques (pour attirer l’attention sur le fait qu’« il n’y a pas de planète B ») ou farcesques (pour provoquer le rire).
25. Captation de la première version, 2020 : https://vimeo.com/393335912.
26. « we’re trans… species ».
27. « we’re becoming-beings for becoming-futures ».
28. Pour un exemple récent, voir Martin Puchner, Literature for a Changing Planet, Princeton, Princeton UP, 2022. Je me permets de signaler un compte rendu : R. Bionda, « Complicité de la littérature mondiale dans la crise environnementale : manuel de contre-défense », Acta fabula, vol. 23, n° 8, en ligne, 2022 : https://doi.org/10.58282/acta.14926.
29. « This is an overlooked function of works of climate fiction – as well as other forms of environmental literature, art, and popular culture […]. This is particularly valuable given the “spiral of silence” about climate change, even among the concerned – a 2016 study found that 57 percent of Americans who are “very” or “moderately” interested in global warming “rarely” or “never” discuss it with friends or family. […] Given the value of interpersonal communication in raising an issue’s perceived importance and creating in-group norms, the potential for climate fiction (and environmental media in general) to facilitate such conversations deserves more attention. » (Matthew Schneider-Mayerson, « The Influence of Climate Fiction: An Empirical Survey of Readers », dans Environmental Humanities, vol. 10, n° 2, 2018, p. 473-500, ici p. 493. Disponible en ligne : https://doi.org/10.1215/22011919-7156848.) M. Schneider-Mayerson renvoie à Edward Maibach, Anthony Leiserowitz, Seth Rosenthal, Connie Roser-Renouf et Matthew Cutler, « Is There a Climate “Spiral of Silence” in America? », Yale Program on Climate Change Communication, 2016.
30. La formule est de Bruno Latour. Voir par exemple Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique, Paris, La Découverte, coll. « Les empêcheurs de penser en rond », 2015.